« J’avoue que je suis très satisfait d’avoir établi cette réforme » [1]. C’est en ces termes qu’Émile Raspail, fils de François-Vincent Raspail et maire d’Arcueil-Cachan de 1878 à 1887, se félicite auprès de ses administrés de la mise en place avant 1880, à son initiative, des « classes du demi-temps » dans sa commune. Ces classes, organisées dans les écoles entre 4h et 6h du soir, permettent aux écolières et aux écoliers, après un temps de récréation suivant la classe, de se consacrer à l’étude, « à moins que les parents [ne] les réclament plus tôt » [2]. Or pour la plupart, lesdits parents sont ouvriers et travailleurs et quittent l’atelier ou l’usine à 6 heures. Avant la réforme, ce sont donc deux heures de battement après la classe qui laissent leur progéniture livrée à elle-même, « ce dont la morale parfois pouvait (…) souffrir » [2]. Émile Raspail invente pour tous les enfants un temps pédagogique d’étude ou de conférence. Il en fait, dans le même temps, profiter « les enfants des manufactures qui n’ont pas l’instruction primaire voulue par la loi » [2]. Il ne s’agit pas de cours du soir, réservés à des enfants déjà instruits des bases de l’enseignement, et qui « n’ont de raison d’exister que là où l’enseignement est limité ; or ce n’est pas dans la commune d’Arcueil-Cachan qu’on met des entraves à l’émancipation de l’intelligence humaine » [2]. Mais bien plutôt d’un temps dédié à l’étude des leçons du jour, encadré par un adulte, limitant les inégalités entre les familles et occupant les enfants. Émile Raspail perpétue ainsi à l’échelle de sa commune les idées républicaines et sociales de son père en matière d’éducation. Dans les années 1880, avec l’avènement de l’école publique, laïque, gratuite et obligatoire (loi Ferry de 1882), associations de parents, patronages laïques, retraités, instituteurs ou élus bénévoles, s’organisent afin d’occuper en fin de journée, de manière ludique ou studieuse, les enfants, en attendant leurs parents [3]. Jusqu’à aujourd’hui, où tous les écoliers français, comme un écho du passé des petits arcueillais, peuvent bénéficier d’une déclinaison de ce service populaire, dont Émile Raspail fut l’un des pionniers.
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La caisse des écoles et le muséum scolaire
L’action d’Emile Raspail, lors de ses mandats, en faveur de l’école et de l’éducation à Arcueil-Cachan est considérable. Restructuration des établissements, élargissement du nombre de classes en primaire, construction de nouvelles infrastructures, préaux ou gymnases, restauration du matériel existant et acquisition de nouveau, classes du demi-temps : autant d’actions et d’innovations de son administration pour soutenir les écoles, ces « temples du progrès et de l’avenir de la patrie ! ». Quelques mois après l’élection du nouveau conseil municipal en 1878, il modifie les statuts de la caisse des écoles, sous-dotée et détournée de son objectif initial par l’administration précédente, pour rendre son fonctionnement à l’égard des enfants déshérités plus efficace. Environ 150 enfants bénéficient alors annuellement de son aide. Son objet est en effet « de venir en aide aux élèves indigents en leur procurant livres ou objets classiques, des vêtements et des chaussures ». La cotisation annuelle est au minimum de 6 francs. La nouvelle caisse des écoles voit son nombre d’adhérents augmenter fortement, mais Emile Raspail « est péniblement surpris de ne pas voir tous les habitants aisés apporter leur modeste cotisation de 6 francs à une œuvre de cette utilité, de cette importance au point de vue de la moralisation des enfants déshérités. »[2]
L’œuvre d’Emile Raspail la plus innovante en matière scolaire est sans doute l’installation d’un muséum scolaire dès 1878 dans des locaux de l’école Laplace récemment libérés. « J’eus l’idée d’un musée scolaire qui fut autre chose que ce qu’on avait l’habitude de mettre sous les yeux des enfants »[2]. Mettant à contribution ces anciens camarades ingénieurs de l’école Centrale, ainsi que des industriels de ses relations, fournisseurs, amis, et fort du soutien du conseil municipal et du ministère de l’Instruction publique, il fait venir à Arcueil « une quantité de superbes spécimens », et il fait installer « aux écoles Laplace, dans deux salles garnies de grandes vitrines, les richesses industrielles que nous avions à notre disposition »[2]. Les objets exposés comprennent des éléments provenant de l’ancien palais des Tuileries, des maquettes de machines, des objets technologiques, une suite de porcelaines de la manufacture nationale de Sèvres, etc. « Monsieur Emile Raspail (…) a créé un musée, hors de l’école, qui ne le cède en rien à certaines salles du Muséum » rapporte à cette époque un inspecteur primaire dans un document adressé à la direction de l’enseignement. L’initiative du maire d’Arcueil et la qualité des objets exposés attirent en effet l’attention de l’institution. « A la suite de la visite qu’il a faite récemment au musée scolaire d’Arcueil-Cachan, M. le directeur du musée pédagogique m’a adressé un rapport détaillé sur l’installation de ce musée et sur les curiosités qui s’y trouvent rassemblées par vos soins. Je m’empresse de vous adresser à ce sujet mes sincères félicitations ». A ce message qui lui est adressé en août 1880 par Jules Ferry, alors ministre de l’Instruction publique et des beaux-arts, Emile Raspail répond par une demande de subvention supplémentaire ! Subvention qu’il obtient et qui permet la création d’une salle de conférences, voisine des salles de collections. L’importance de ces collections est telle que le muséum devient musée d’arrondissement en 1884 [4]. Aujourd’hui, il subsiste, conservées à Arcueil, quelques pièces de ces collections qui ont contribué à l’éveil des écolières et écoliers d’Arcueil-Cachan.
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[1] Émile Raspail, Trois ans d’administration municipale à Arcueil-Cachan ou Bilan d’un élu, Paris, 1880, p.25
[2] Ibid., p. 25
[3] Wikipedia, L’accueil périscolaire, https://fr.wikipedia.org/wiki/Accueil_périscolaire
[4] Notice no IA94000414, base Mérimée, ministère français de la Culture