Il est une constante implacable en histoire : l’invisibilisation des femmes. Si la famille Raspail est surtout connue par l’œuvre et l’action de François-Vincent, ainsi que de ses quatre fils, notamment Benjamin et Émile, l’importance de leur rôle n’aurait pas été de cette ampleur sans le soutien sans faille de sa femme, Adélaïde (1799-1853), et de sa fille, Marie-Apolline (1836-1876). Toutes deux ont été aux côtés de François-Vincent, dans ses combats politiques, dans la vie quotidienne, et lors de ses séjours en prison. C’est une partie de la vie de ces femmes que Marcel Breillot, notre ami regretté, avait dévoilé et retracé dans la revue Chroniques du Val-de-Bièvre.

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« L’inconnue d’une famille illustre », par Marcel Breillot :

Extraits de l’article paru dans Chroniques du Val-de-Bièvre. Histoire, Patrimoine, Mémoire, n° 99, été 2018, p. 9-12.

« À Arcueil-Cachan, chacun a entendu le nom de la famille Raspail. Benjamin, Émile, Camille, Xavier et surtout leur illustre père, François-Vincent sont plus ou moins connus. (…) Auraient-ils pu avoir des engagements aussi forts sans la présence à leurs côtés de leurs épouses ou de leurs sœurs ? La vie de Marie-Apolline Raspail nous parait significative de ce point de vue. Née en 1836, troisième enfant d’une fratrie de cinq, à la suite de sa mère Adélaïde décédée en 1853, elle consacrera sa vie au service de son père François-Vincent. {Quand Raspail est condamné à la résidence surveillée, à Meudon, en 1874}, Marie s’installe avec lui comme elle le fait depuis vingt ans. Elle avait promis à sa mère Adelaïde, de ne jamais quitter son père. Elle tint parole. Son père lui rendit hommage dans son testament rédigé́ dès 1867 : « Ma fille Marie-Apolline Raspail est attachée à son père avec un dévouement si désintéressé́ et si sublime, depuis son enfance, qu’on aurait de la peine à trouver un exemple pareil dans notre histoire. Pendant ses études, elle a souffert plutôt que d’abjurer les convictions de son père. Après la mort de sa mère, elle m’a suivi partout où le vent de la persécution m’a jeté́, en prison, en exil, dans ma solitude, et elle a été́ en ces positions diverses ma plus douce et ma plus pure consolation, toujours occupée des intérêts de ses frères, et jamais de ses propres intérêts. Elle pouvait briller par tous ses talents, elle a sacrifié tous ses intérêts à la piété́ filiale. »

Dans ses missives à son frère Benjamin, elle gère les problèmes du quotidien, les soins à son « excellent père », les vêtements et linges à faire venir de la maison de Cachan. Mais aussi, les fruits à lui apporter, les travaux à faire faire dans la maison cachanaise qui a été́ saccagée lors du siège de 1870.

Dès avril 1875, alors que son père allait être libéré trois mois plus tard, en juillet, elle donnait des consignes à Benjamin pour que les parterres du parc à la maison de Cachan correspondent à ce que François-Vincent aimait. (…)

Le retour à̀ Cachan eut lieu le 8 juillet 1875. Marie est malade, c’est à Bellevue qu’elle a contracté l’affection pulmonaire qui allait lui être fatale. On l’a envoyée à Monaco pour y être soignée. Elle y sera emportée par une phtisie à l’âge de quarante ans, en décembre 1876. (…)

Marie s’est dévouée à la cause de son père et de ses frères, en cela son « destin » fut identique à celui de la plupart des femmes de son époque. »

Le texte intégral et la revue peuvent être consultés/téléchargés ici.